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        A French Sermon by John Calvin (Job 19:17-25) 

              

 

One of the leading lights of the Reformation in Europe, John Calvin (1509-1564) was born in Noyon, Picardy in France. What Martin Luther had begun by God’s mighty power, John Calvin carried on, teaching the doctrine and application of justification by faith alone in the Christ revealed in Scripture alone; and endeavouring to apply Scriptural teaching to every area of life. Pressed by a friend named William Farel to stay in Geneva to preach (that city being a haven for persecuted Christians), Calvin at length complied, and the Genevan Church became a centre of the Protestant Reformation. The Scottish Reformer John Knox spoke of the Church in Geneva as “the most perfect school of Christ since the days of the apostles”.

 

 

17. Mon haleine a esté fascheuse à ma femme, et si la supplie par les enfans de mon ventre. 18. Mesmes les petis me reiettent, et quand ie me leve, ils iettent des brocards contre moy. 19. Mais amis m'ont eu en abomination, et ceux que i'aimoye se sont retournez contre moy. 20. Mon os s'est attaché à ma peau, et à ma chair, et suis eschappé avec la peau de mes dents. 21. Ayez pitié de moy, ayez pitié de moy, vous mes amis: car la main de Dieu m'a frappé. 22. Pourquoy me persecutez-vous comme Dieu, et ne vous saoulez de ma chair? 23. le desire que mes propos soyent escrits, qu'ils soyent enregistrez en un livre, 24. Avec un greffe de fer en plomb, ou en pierre, à perpetuité. 25. le say que mon Redempteur est vivant, et finalement s'eslevera sur là terre.

D'autant que Dieu a conioint les hommes, afin que l'un supporte l'autre, et que chacun tasche d'aider à son prochain, et quand nous ne pourrons mieux, que nous ayons quelque pitié et compassion les uns des autres: s'il advient que nous soyons destituez de toute aide, qu'on nous moleste de tous  costez,. et que nul ne se monstre humain envers nous, mais que chacun nous soit cruel, ceste tentation-la est bien dure. Et voila pourquoi Iob en ce passage se complaint, qu'il n'y a eu ne femme, ni amis, ni domestiques qui ayent eu pitié de luy, mais que tout le monde l'a reietté: Or quand nous oyons ceci, nous le devons appliquer à nous: car (comme il fut hier traitté) Dieu permettra que les hommes nous defaillent, qu'un chacun s'estrange de nous, afin que nous recourions tant mieux à lui. Et de fait, cependant que nous aurons quelque support du costé du monde, nous n'esperons pas en Dieu comme il faut: plustost nous sommes retenus ici bas: car nostre nature aussi du tout y encline, et s'y adonne par trop. Et ainsi Dieu quelquesfois nous voulant retirer à soy, fera que nous serons destituez de toute aide humaine. Ou bien, ce sera pour nous humilier: car il nous semble qu'il doit bien avoir regard à nous, et que nous en sommes dignes: et chacun s'aveugle d'une telle presomption. Nostre Seigneur donc quelquesfois nous voudra instruire à humilité par ce moyen, qu'un chacun nous mesprisera que nous serons reiettez des grans et des petis. Ainsi alors nous aurons à penser que nous ne sommes pas tels que nous avons cuidé. Mais quoi qu'il en soit, si cela advient, cognoissons que pourtant nous ne sommes point delaissez de Dieu: car nous voyons que Iob a encores son recours à lui, et qu'il n'est point frustré de son attente. Dieu donc lui a tendu la main cependant que les hommes l'avoyent reietté, et cuidoyent bien qu'il n'y eust plus nulle esperance pour luy: c'est alors que Dieu a regardé à luy faire merci. Confions-nous donc en cela. Au reste, que nous soyons enseignez de faire nostre devoir envers ceux qui sont affligez, suivant ce que i'ay dit, que Dieu nous a conioints et unis ensemble, afin que nous ayons une communauté: car les hommes ne se doivent pas separer du tout. Il est vray que nostre Seigneur a ordonné la police, qu'un chacun aura sa maison, chacun aura son mesnage, sa femme, ses enfans, chacun sera en son degré: mais tant y a que nul ne doit s'exempter du commun, pour dire, Ie vivray à moy seul. Ce seroit vivre pis qu'en beste brute cela. Quoi donc? Cognoissons que Dieu nous a obligez les uns aux autres, afin de nous secourir: et pour le moins quand nous voyons quelqu'un en necessité, encores que nous ne luy puissions faire le bien que nous voudrions, que nous soyons humains envers lui. Si cela n'est, Dotons qu'en la personne de Iob ici le sainct Esprit demande vengeance contre nous: car il n'y a nulle doute que Iob (combien qu'il fust agite de passions grandes et excessives) n'ait tousiours esté gouverné par l'Esprit de Dieu, et sur tout quant à ces principes generaux, c'est à dire, quant aux sentences qu'il met: comme nous avons declaré qu'elles emportent doctrine profitable. Notons donc qu'ici nostre Seigneur declare, que c'est une cruauté par trop grande à nous, quand nous verrons un povre homme affligé, et que nous ne tascherons point de le secourir, mais plustost nous retirerons de lui.

Notons aussi que mesmes quelquesfois il est dit des choses par occasion en l'Escriture saincte, dont nous pouvons recueillir bonne doctrine: comme ici Iob parlant de sa femme, dit, qu'elle n'a peu porter son haleine, combien qu'il la priast par les enfans de son ventre. Sur cela il monstre, que les enfans doivent augmenter l'amour du mari et de la femme. Car quand Dieu benit un mariage par lignee, cela doit croistre l'affection mutuelle pour vivre en plus grande concorde. Les payens ont bien cognu cela: mais il est mal observe de ceux qui devroyent bien voir plus clair. Et quelle condamnation sera-ce pour les fideles, qui se vantent d'avoir esté enseignez en la parole de Dieu, s'ils ne cognoissent point ce que nature a monstré aux povres ignorans qui sont comme aveugles? Voila donc les Payens qui ont confesse que les enfans estoyent comme des gages pour confermer mieux l'amour du mari avec la femme, pour les tenir en paix et union. Suivant cela Iob dit, Qu'il a supplié sa femme par les enfans qu'il avoit engendré d'elle. Or cela ne l'a rien emeuë. Il monstre donc que c'est une chose contre nature, et que sa femme s'est monstree comme une beste sauvage en cest endroit. Ainsi notons, que tous ceux qui ne peuvent suivre un tel ordre, sont redarguez ici en passant, comme si le sainct Esprit avoit prononcé leur sentence en termes expres. Or toutes fois nous en voyons beaucoup qui n'ont nulle discretion, si Dieu leur a fait la grace de leur donner des enfans. Voila un homme qui aura vescu avec sa femme: il est vray que le mariage est desia une chose si sacree que ce mot seul doit bien suffire, quand il est dit Qu'ils seront deux en une chair  que l'homme aura l'union qu'il doit avoir avec sa femme plus precieuse, que celle qu'il aura au pere et à la mere: mais quand Dieu adiouste encores de superabondant pour confirmation de ceste grace, que le mariage produit enfans, si les hommes et les femmes sont si brutaux, qu'ils ne soyent point induits et incitez par cela de s'aimer encores plus, il est certain que leur ingratitude est par trop lourde. Or (comme desia nous avons dit) c'est une chose bien mal pratiquee entre les Chrestiens: mais si faut-il que nous facions nostre profit de ce mot, encore qu'il ne soit ici touché que par occasion.

Iob pour augmenter le mal, dit, que et ces amis, et les hommes de son conseil, c'est à dire, ceux à qui il avoit accoustumé de communiquer tous ses secrets, se sont retournez contre lui ou bien se sont mocquez, qu'ils n'en ont tenu nul conte: et que non seulement ceux qui estoyent en quelque credit et dignité l'ont m'esprisé, mais les plus petis, les plus malotrus. Il signifie en somme, qu'il s'est trouvé destitué de tout secours, veu que ses amis lui ont defailli. Secondemet, qu'il a este en opprobre, tellement que les plus mesprisez du monde encores n'ont pas daigné le regarder comme pour le tenir de leur reng. Il falloit bien dire que l'affliction fust grande, veu qu'il n'y avoit nul qui le recognust comme de la compagnie des hommes: mais qu'il estoit desia plus qu'exterminé. Voila en somme ce qu'a voulu dire Iob. Or (comme desia nous avons touché) Dieu l'a voulu ainsi exercer, afin qu'il nous fust un miroir. S'il advient donc que ceux qui nous sont les plus prochains nous soyent ennemis mortels, et qu'ils nous persecutent, apprenons de recourir â. Dieu, et de porter cela patiemment, veu qu'il est advenu à Iob devant nous. Et mesmes reduisons en memoire ce qui est dit de nostre Seigneur Iesus Christ, pource qu'il appartient à tous les membres de son Eglise, Celui qui mangeoit le pain à ma table, a levé le talon contre moi. Il faut que cela s'accomplisse en tous fideles: et pour ceste cause nostre Seigneur Iesus nous a monstré le chemin, afin que nous ne soyons point trop faschez d'estre conformez à son image. Nous verrons donc tous les coups, que les enfans de Dieu seront trahis et persecutez par ceux aus-quels ils s'estoyent fiez du tout, et ausquels ils avoyent eu grande privauté. Et bien, voila une chose fort dure, on ne le peut nier, et quand nous sentons ce mal, c'est assez pour nous faire perdre courage: mais puis que nostre Dieu nous a declaré, qu'il faut qu'ainsi soit, et qu'il nous en a donné le tesmoignage en son Fils unique, passons par là, et submettons-nous à ceste condition. Voila encores ce que nous avons à observer en ce passage.

Or venons maintenant à ce que Iob adiouste Ayez pitié de moy, ayez pitié de moy, vous mes amis: car la main de Dieu m'a touché, dit-il. Il est vray, quand nous voyons que Dieu punit les hommes, que nous devons bien le glorifier, disans, Seigneur, tu es iuste. Mais il y avoit une consideration speciale en Iob, qu'il n'estoit point puni de Dieu pour ses fautes qu'il avoit commises, c'estoit à autre fin: et encores prenons le cas qu'il eust esté chastié selon ses demerites, toutes fois quand nous verrons un povre malfaiteur que Dieu aura mené à sa condamnation, si faut-il que nous en soyons touchez en nous-mesmes, voire pour deux causes. L'une c'est, que quand chacun regardera à soy, nous trouverons que Dieu nous devroit punir aussi rudement et plus, quand il luy plairoit de nous visiter selon que nous l'avons desservi. Quiconques donc pensera à soy, il se trouvera coupable pour estre puni de Dieu aussi griefvement que ceux lesquels il voit bien pressez: et pourtant nous les devons regarder en pitié et compassion. Ainsi nos vices et nos iniquitez nous doivent faire humilier. Voila un povre miserable, ie voy que Dieu le persecute, c'est une chose horrible. Mais quoi ? Il y a bien cause dequoi Dieu me pourroit ainsi punir: il faut donc que ie m'humilie et que ie me mire en la personne de cestui-ci. Voila pour un Item. Et puis, quand nous verrons un homme qui aura este affligé de la main de Dieu si fort que rien plus, que nous sachions non seulement qu'il a esté creé à l'image de Dieu, mais aussi qu'il nous est prochain, et comme un avec nous: nous sommes tous d'une nature, nous avons une chair, nous sommes le genre humain, pour dire, que nous sommes sortis d'une mesme source. Puis qu'ainsi est, et ne faut-il pas que nous pensions les uns des autres: Ie voy d'avantage une povre ame qui s'en va perir: ne doy-ie point avoir compassion le cela pour y subenir, si en moy est? Et encores que ie n'aye point le moyen, si doy-ie y aspirer. Voila (di-ie) les deux raisons qui nous doivent esmouvoir à pitié quand nous voyons que Dieu afflige de ceux qui en sont dignes. Quand donc nous pensons à nous, il est certain qu'il faut que nous soyons bien durs et stupides, ou nous aurons pitié de ceux qui sont nos semblables, comme quand nous recognoistrons, Voila un homme qui est formé à l'image de Dieu, il est d une nature commune avec moy, et puis, voila une ame qui a esté rachetee par le sang du Fils de Dieu, si elle perit, n'en devons-nous point estre touchez ?

C'est pourquoi Iob dit maintenant, Ayez pitié de moi mes mis, d'autant que la main de Dieu m'a frappé. Pour entendre encores mieux ceci, il nous faut prendre ceste sentence, Que c'est une chose horrible de tomber entre les mains du Dieu vivant. Quand donc nous voyons quelque punition que Dieu envoye, il faut que nous soyons esmeus de frayeur, voire combien qu'il nous espargne. le seray à repos, et Dieu ne fera point semblant de me toucher, mais ie verray comme il frappe sur l'un, comme il afflige l'autre: ne voila point pour estre estonnez? Faut-il que nous attendions que Dieu rue sur nos testes à grans coups? Cela seroit par trop lourd. Mais quand nous voyons qu'il nous veut instruire aux despens d'autruy, il faut regarder la cause pourquoi il punit ainsi les hommes ainsi que sainct Paul nous monstre (Ephes. 5, 6j. Il ne dit pas, Craignez, car l'ire de Dieu viendra sur vous: mais il dit, Mes amis, vous voyez comme Dieu punit les incredules cependant qu'il vous espargne: si faut-il que vous cognoissiez que c'est à vostre instruction quand il donne quelque signe de son ire sur les hommes. Que donc nous notions bien ceste sentence de l'Apostre c'est assavoir, que c'est une chose espouvantable de tomber entre les mains de Dieu, et pourtant toutes fois et quantes qu'il fera quelque punition, que nous en soyons esmeus. Or de là nous serons quant et quant instruits, d'avoir pitié de ceux qui endurent, pour dire, Helas! voila une povre creature: si c'estoit un homme mortel qui l'affligeast on lui pourroit donner quelque allegement: mais Dieu lui est contraire: et n'en devons-nous point avoir pitié en voyant cela? Si on allegue, Et n'est-ce pas resister à Dieu si nous avons pitié de ceux qui sont chastiez pour leurs fautes? N'est-ce pas autant comme si nous voulions nous rebecquer à l'encontre de la iustice de Dieu? Non: car nous pouvons bien avoir ces deux affections en nous: d'approuver la iustice de Dieu, lui rendans gloire et louange de ce qu'il fait: et neantmoins nous ne laisserons pas d'avoir pitié de ceux qui sont punis, d'autant que nous en avons merité autant ou plus d'autant aussi que nous devons cercher le salut dé tous, et mesmes de ceux qui nous sont plus prochains, et où il y aura quelque lien que Dieu aura mis entre nous: comme nous approuverons la iustice terrienne, qui n'est que comme un petit miroir de la iustice de Dieu, et toutes fois nous ne laisserons pas d'avoir pitié d'un malfaicteur. Quand un criminel sera puni, on ne dira pas qu'on lui face tort, ne qu'il y ait cruauté au iuge On dira donc que ceux qui sont constituez en l'estat de iustice s'acquitent de leur devoir, et qu'ils font un sacrifice agreable à Dieu, quand ils feront mourir un criminel: mais cependant nous ne laisserons point d'avoir pitié d'une povre creature qui souffrira pour ses malefices: si nous n'en sommes esmeus, il n'y aura point d'humanité en nous. Si nous cognoissons cela en la iustice humaine, qui n'est que comme une petite estincelle de Dieu: quand nous venons là haut à ce throne souverain, ie vous prie ne devons nous pas en premier lieu glorifier Dieu de tout ce qu'il fait, cognoissans qu'il est iuste et equitable en tout et par tout? Et neantmoins cela n'empeschera (comme i'ai dit) que nous n'ayons compassion de ceux qui endurent, pour les soliciter, et leur subvenir: et quand nous ne pourrions mieux, que nous desirions leur salut, prians Dieu qu'en la fin il face profiter leurs corrections pour les retirer à soi, qu'il ne permette point qu'ils demeurent endurcis pour se rebecquer contre sa main.

Voila (di-ie) sur quoi Iob se fonde quand il requiert et exhorte ses amis d'avoir pitié de lui.

Et notamment il parle à ceux qui lui estoyent plus prochains: car combien que Dieu ait mis en general quelque unité entre tous hommes, c'est à dire, qu'il les ait tous conioints ensemble (comme nous avons dit) et qu'ils ne se doivent point separer les uns des autres: tant y a que Dieu nous oblige au double, quand nous avons ou parentage, ou quelque autre lien, comme nous savons que les voisins doivent estre incitez à se porter quelque amitié plus privee: car alors Dieu a mis les hommes, comme on feroit les bestes sous un ioug, par maniere de dire: les bestes brutes nous doivent enseigner ce que nous avons à faire. Quand deux boeufs seront accouplez ensemble, si chacun veut estre revesche, ils se tormenteront l'un l'autre: et  s'ils ne s'accordent pour labourer d'un accord ensemble, pour puis apres et boire et dormir, il faudra qu'ils soyent là comme leurs bourreaux. Ainsi en est-il des hommes, quand Dieu les approche les uns des autres en quelque façon que ce soit: c'est comme s'il les vouloit accoupler sous un mesme ioug pour s'aider, et se supporter l'un l'autre: et s'ils sont revesches, s'ils sont pires lue les bestes brutes quelle condamnation meritent-ils sur leur teste? Ainsi donc notons bien, que selon que Dieu nous approche, et nous donne moyen de communiquer ensemble, il nous oblige les uns aux autres, car un ami sera tant plus tenu à son ami, et combien qu'il faut que nostre charité soit generale, et que nous aimions tous ceux que Dieu nous recommande, et fussent mesmes nos ennemis mortels: si est-ce que le mari sera plus tenu à sa femme, le pere à ses enfans, les enfans au pere, les parens aussi les uns aux autres: et faut en general que nous cognoissions tous les degrez d'amitié, que Dieu a mis au monde.

Or Iob adiouste, Pourquoi me persecutez-vous comme Dieu? Il semble bien que ce propos ici n'ait point grande raison: car il est dit (comme desia nous avons touché) que le iuste lavera ses mains au sang de l'inique. Nous devons donc nous esiouyr, quand nous voyons que Dieu punit les meschans: or Iob amene ici, qu'on ne doit pas persecuter ceux que Dieu persecute. Mais desia ceste question a esté soluë, quand nous avons dit, que nous pouvons bien nous accorder à la iustice de Dieu: et toutes fois nous ne laisserons point d'avoir pitié de ceux qui endurent, et les soulager, si en nous estoit: pour le moins nous aurons ceste affection-la de desirer leur salut. Ce sera donc une chose cruelle  quand nous perscuterons les hommes comme Dieu. Et pourquoi ? Car quand Dieu afflige les pecheurs (ie ne di pas les iustes comme Iob, mais ceux qui auront mal vescu, qui auront est d'une vie meschante) ce n'est pas afin que nous levions la teste contr'eux, et que nous les molestions encores d'avantage: mais il veut en premier lieu, qu'un chacun de nous apprenne à se condamner en la personne d'autrui. le voi . que celui-là est maintenant batu des verges de Dieu. Et pourquoi? Pour ses pechez. Or Dieu n'est-il pas Iuge de tout le monde ? Ceci me compote donc: car suis-ie innocent ? Dieu ne trouvera-il point à redire en moi ? Helas! il n'y a que trop de fautes, et par trop lourdes. Voila donc comme en la personne d'autrui on se doit condamner, toutes fois et quantes que nous y contemplons les chastiemens que Dieu envoye: et puis aussi Dieu nous veut exercer à pitié et compassion. Si nous suivons cest ordre, nous ne pourrons faillir: mais si sans avoir esgard à nos fautes nous venons tormenter ceux qui n'ont desia que par trop de mal, ne voila point une cruauté? Nous voulons usurper l'office de Dieu pour estre iuges: et plustost nous devrions penser à ce qui est dit, Qu'il nous faudra tous comparoistre devant le throne iudicial de Dieu. Il est vrai que (comme desia nous avons dit) il faut bien que Dieu soit glorifié par toutes les punitions qu'il envoye aux hommes: mais ce n'est pas à dire qu'un chacun ne se doive condamner, et estre retenu en quelque humanité par ce moyen-là, quand nous cognoistrons qu'il faut que Dieu soit le Iuge de tous. Et voila pourquoy Iob argue à bon droit ses amis de ce qu'ils le persecutent comme Dieu. Notons bien donc, que si Dieu desploye sa vengeance sur ceux qui l'ont offensé, ce n'est pas qu'il nous vueille armer pour estre inhumains, et nous mettre en furie contre les povres patiens qui sont du tout abbatus mais plustost qu'il veut que nous en ayons compassion.

Au reste, Iob accuse ici la cruauté de ses amis, disant qu'ils ne se peuvent saouler de sa chair. Pourquoy (dit-il) ne vous pouvez-vous saouler de ma chair? Il est certain que c'est une similitude qu'il prend: car quand nous sommes ainsi acharnez (comme on dit) à l'encontre de nos prochains, c'est comme si nous les voulions manger tous vifs: et nous userons bien aussi de ces façons de parler en nostre langage commun. Ainsi donc comme un homme prendra plaisir à sa refection, à boire, et à manger: aussi ceux qui sont cruels contre leurs prochains, il semble qu'ils en veulent faire leurs repas, qu'ils les veulent manger et engloutir tous vifs. Voila donc pourquoy Iob dit, Pourquoy ne vous saoulezvous de ma chair? Car quand nous voyons que nos prochains ont du mal tant et plus, et qu'encores cela ne nous saoule point, mais que nous augmentons leur mal, c'est une cruauté par trop grande, c'est comme les manger. Ceste circonstance donc est à noter, quand Iob dit, Que pour le moins ses amis se devroyent contenter de le voir ainsi abbatu. Que voulez-vous plus? le suis à l'extremité, tant que ie n'en puis plus. C'est une chose naturelle, que quand nous aurons hay quelque personne, et desiré son mal, et cerché toue les moyens de nous venger, toutes fois s'il advient qu'un tel soit si affligé que rien plus, voila nostre courroux qui s'appaise. Or ie ne di point que ceste affection ici doive estre tenue pour vertu: car les Payens, combien qu'ils fussent meschans, combien qu'ils cuidassent que la vengeance leur fust licite, toutes fois ont eu cela, de s'appaiser quand ils ont veu leurs ennemis qui estoient tant molestez, qu'il ne falloit plus qu'ils y missent la main. Comme qu y? Voila un homme qui aura mal-fait à quelqu'un: et bien, celui qui sera offensé se voudra venger, s'il lui estoit possible. Or cependant voici Dieu qui prévient, et envoye quelque calamité grande à celui qui aura fait l'offense: l'homme qui auparavant estoit envenimé, et qui ne demandoit sinon à ruiner celui qu'il hayssoit, dira lors, Voire et que lui ferai-ie plus? Il est si abbatu, que c'est mesmes pitié, il en a assez. Voila donc comme le feu s'esteindra naturellement, quand nous aurions esté les plus irritez du monde contre quelqu'un, si nous le voyons en affliction. Cela (comme i'ay dit) n'est point vertu, et ne merite point d'estre reputé pour service de Dieu, ne pour charité. Mais cependant si c'est une inclination naturelle, mesmes entre les Payens, que sera-ce auiourd'hui de ceux qui ne se contentent point, quand ils verront leurs ennemis tant persecutez que rien plus: mais sont là insatiables, et voudroyent encores les avoir mangez? Et si cela est condamnable, quand il se fera envers les ennemis, quand on ne se sera point contenté des afflictions que Dieu leur aura envoyees: que sera-ce de le faire envers les amis? Pourtant que ceux gui seront ainsi cruels sachent qu'ils ne sont pas dignes d'estre reputez du nombre des hommes. Quiconques donc se voudra acquitter de son devoir, non seulement il se doit appaiser du mal et de l'affliction de ses ennemis: mais il se doit esmouvoir à pitié: et au lieu de cercher vengeance, il doit plustost estre prest de les secourir entant qu'en lui sera: car il n'y a nulle doute quand Dieu envoye quelque affliction à nos ennemis, et à ceux qui nous ont irrité, qu'il ne vueille adoucir ceste malice et ceste rancune qui est en nous, qu'il ne vueille changer ce qui est cause que nous sommes ainsi mal affectionnez envers nos prochains. Or si Dieu nous appelle à humanité, et que nous allions tout au rebours, n'est-ce point batailler manifestement contre lui? Notons bien donc quand Dieu affligera ceux qui nous ont fait quelque tort et iniure  que c'est pour adoucir l'aigreur qui est en nos courages: et si nous avons esté faschez auparavant, et picquez, ou que nous ayons appeté vengeance, que Dieu veut moderer toutes ces mauvaises affections-là en nous, et nous veut induire à compassion et humanité. Voila ce que nous avons à noter de ce passage.

Or Iob adiouste encores nouvelles complaintes de ses miseres, disant, Que son os estoit attaché à sa peau, et qu'il est eschappé avec la peau de ses dents. C'est pour mieux exprimer le propos que nous venons de toucher, c'est assavoir, que ses amis devroyent bien estre saoulez, encores qu'ils fussent comme des bestes, ne cerchans qu'à devorer. Et pourquoy ? Car (dit-il) vous voyez en quel estat ie suis. Que demandez-vous plus? Sauroit-on souhaiter plus de mal à une personne, que Dieu m'en a envoyé? Or quand il dit, que sa peau est attachee aux os, c'est comme s'il disoit, qu'il est desseché du tout, qu'il est là comme une figure d'un trespassé, qu'il n'y a plus ne suc, ne substance en lui. Quand il dit, qu'il est eschappé avec la peau de ses dents, c'est pour signifier, qu'il n'y a rien de sain en luy que les gensives, ou que sa peau est semblable aux gensives, car si la vermine a gaigné en un corps, la peau ne sera plus seche: mais elle sera comme les gensives: c'est à dire, quand la pourriture gaignera, et que tout sera mangé, on verra une chair sanglante, et il en sortira à demi sang, à demi eau, comme d'une pluye, comme nous voyons qu'une pluye semble aux gensives. Voila donc Iob qui declare qu'il a esté défiguré tellement qu'on ne cognoissoit plus de face d'homme en lui. Or quand il est venu à ceste extremité-là, n'estoit-ce pas raison que ses amis se contentassent? Nous sommes donc ici admonnestez de mieux regarder aux afflictions de nos prochains que nous ne faisons pas: et que quand Dieu leur envoyera quelques calamitez nous le prions qu'il nous face la grace d'avoir les yeux plus ouvers pour les considerer, et les bien noter, tellement que cela nous induise à pitié: qu'un chacun s'emploie a y mettre remede en tant qu'en lui sera, et qu'en la fin encores nous esperions que quand ils sont ainsi touchez de la main de Dieu, il se monstrera misericordieux envers eux.

Or pource que Iob estoit accusé par ses amis d'avoir blasphemé contre Dieu, et qu'il s'estoit iustifié contre tonte raison, et qu'il s'estoit aveuglé en ses vices, ne les cognoissant point: il dit, le voudroye que tous mes propos fussent escrits, qu'ils fussent engravez avec un greffe de fer, qu'ils fussent engravez dedans du plomb, ou dedans une pierre à perpetuité, et à une memoire permanente. Iob parlant ainsi declare, qu'il n'a point maintenu son innocence en vain, et qu'il ne craint pas que ceci lui soit reproché devant Dieu: car il sait qu'il a iuste cause de ce faire. Voila en somme où il pretend. Or il est bien certain quant aux propos de Iob, qu'il y a eu de l'excez, il y a eu beaucoup de sentences extravagantes: car il n'a pas tenu mesure, et quoy qu'il eust un fondement bon et raisonnable, et que sa cause fust approuvee de Dieu, si est-ce qu'il l'a mal deduite (comme nous avons declaré par ci devant) et lui sont eschappez beaucoup de mots qui estoient à condamner. Pourquoy donc est-ce que maintenant il dit, qu'il voudroit que ses propos fussent ainsi escrits? N'est-ce point pour lui apporter double condamnation sur sa teste? Notons que Iob a regardé au principal et qu'il ne s'est point attaché à chacun mot qu'il avoit prononcé: mais il prend ici ses propos, pour la defense de sa cause. Or ceste defense-la estoit iuste: et combien qu'elle ait esté mal demenee, et qu'il ait extravagué d'un costé et d'autre, si est-ce neantmoins qu'il maintient à bon droit, qu'il n'est point affligé pour ses pechez, et qu'il ne falloit pas aussi l'estimer le plus meschant du monde, pource que Dieu se monstroit ainsi rigoreux contre lui. Iob donc a proposé cela avec raison: mais encores n'a-il pas laissé de faillir, d'autant qu'il n'a pas tellement recognu tous ses vices, qu'il se soit tousiours bien senti coulpable devant Dieu. Par ceci nous sommes admonnestez de parler bien prudemment. Il est dit an Psaume (39, 2), I'ay deliberé en moy de tenir la bouche close, de me brider cependant que les meschans dominent, et qu'ils ont la vogue: mais en la fin ie n'ay peu me contenir. David cognoissoit bien, que quand les enfans de Dieu sont tentez, se voyans opprimez d'afflictions, cependant que les meschans font leurs triomphes, et ont le vent à gré, c'est une chose si dure, qu'il est bien difficile que nous puissions nous contenir, que nous ne murmurions contre Dieu. Pour ceste cause il dit, Ie me suis resolu de me tenir comme bridé, i'ay mis un chevestre, i'ay barré ma bouche, afin de ne sonner mot: mais en la fin toutes ces brides ont esté rompues, toute ceste conclusion que i'avoye prinse ne m'a peu tenir de monstrer le desir que i'avoye conceu là dedans: et le feu en la fin s'est allumé et desbordé. Par cela David monstre que c'est une vertu bien grande et b en rare, que nous soyons patiens en silence et en nous taisant, quand les maux nous pressent, et que nous voyons sur tout les meschans avoir la bouche ouverte pour se glorifier, et pour se mocquer de nous. Ainsi en conioignant ce passage de David avec l'exemple de Iob, nous devons estre instruits de tenir la bouche close quand Dieu nous afflige. Et pourquoy? Car selon que nos passions sont violentes, combien que nous apprenions de parler en telle simplicité comme nous devons, et de louer Dieu, et le benir: encores ne pouvons-nous pas estre si prudens, ne si moderez qu'il ne nous eschappe quelque chose, qu'il n'y ait quelques bouillons qui sortent, tellement que nous serons tousiours coulpables en nos propos. Ainsi donc combien que nous n'ayons point ceste intention de blasphemer contre Dieu, ne de dire chose qui ne soit à son honneur, encores ne peut-il advenir que nous n'ayons esté trop hardis en nostre parler: comme quand Iob a demandé que tout soit enregistré, que tout soit engravé pour memorial, que cela soit mis ou en pierre, ou en plomb, afin que iamais on ne le puisse effacer. Or advisons plustost de prier Dieu, qu'aux propos que nous cuiderons estre les plus nets, il nous pardonne encores nos fautes: car celui qui pourra retenir sa langue (dit S. Iaques 3, 2) aura une vertu singuliere. Et pourquoy? Car nous sommes si volages à mal parler que rien plus, et quand nous cuiderons avoir parlé par bonne integrité, Dieu trouvera qu'il y aura encores de l'excez Voila donc ce que nous avons à noter de ce passage.

Or en la fin Iob adiouste, Qu'il sait que son Redempteur vit. Vrai est que ceci ne se pourra pas declarer du tout pour maintenant: mais si faut-il que nous touchions à quelle intention Iob parle ainsi. Il entend donc qu'il n'a point fait à la façon des hypocrites pour demener sa cause devant les hommes, et pour se iustifier, il cognoit qu'il a affaire à Dieu. Voila qu'il faut savoir, car ces sentences ici, si elles estoient prinses comme rompues, n'auroient pas grande edification, et nous ne saurions que Iob auroit voulu dire. Parquoy retenons ce que nous avons touche. Qu'est-ce que Iob pretend? Nous savons que les hommes travaillent tant qu'ils peuvent à s'excuser, voire d'autant qu'ils ne pensent point à Dieu: c'est assez que le monde se contente d'eux, et qu'on les estime gens de bien. Voila donc l'hypocrisie qui engendre une impudence. Car si ie ne cognoy que Dieu est mon Iuge, Ô il me suffira que les hommes m'applaudissent, qu'ils me tienent en bonne reputation. Et qu'ay-ie gaigné? Rien qui soit. N'est-ce pas bien une grande impudence, quand encores que ma conscience propre me redargue, encores que ie soye convaincu d'avoir mal fait, si est-ce que ie leverai le front, et dirai, Pourquoy est-ce qu'on m'accuse? Qu'est-ce que i'ay fait? N'ay-ie pas bonne cause? le prendrai de belles couleurs pour couvrir mon peché' et quand i'aurai ainsi esbloui les yeux de. hommes, voila ma cause gaignee. Mais c'est ce que i'ai dit, que l'hypocrisie engendre l'impudence, c'est à dire, que les hommes sont hardis à maintenir leur cause pour bonne, d'autant qu'ils n'ont point regard à Dieu.

Or Iob au contraire dit, le say que mon Dieu est vivant, et qu'il se dressera en la fin sur la poudre. Comme s'il disoit, On m'estime comme un meschant et desesperé, comme si i'avoye blasphemé Dieu, taschant de me iustifier à l'encontre de lui. Nenni non, ie ne demande qu'à m'humilier, et à me reposer du tout en sa grace: mais si faut-il cependant que ie maintiene mon integrité contre vous car ie voy que vous n'y procedez que par calomnies, ie me defen donc en telle sorte, que cependant ie regarde à Dieu, et ay là mes yeux fichez. Or de ceci nous pouvons, et devons recueillir une bonne instruction: c'est assavoir, que nous ne soyons point tant hypocrites que de nous couvrir devant les hommes, pour faire semblant de maintenir une bonne cause, et nous monstrer gens de bien, et cependant que nostre conscience nous redargue. Apprenons plustost d'entrer en nous-mesmes, pour cognoistre nos pechez, et pour nous adiourner devant Dieu: que nous commencions (di-ie) par ce bout-là, pour dire, Or çà comment en suis-ie? Il est vrai que ie pourrai bien m'excuser devant les hommes: mais cependant qu'est-ce que ie profiterai devant Dieu? M'acceptera-il? Nenni. Suivant cela donc, que nous venions tous devant ce Iuge celeste et grands et petits' et qu'un chacun se presente-là pour demander pardon de ses fautes: et ne doutons point que quand nous y viendrons en verité, nous ne soyons absous de lui: non pas que nous en soyons dignes: mais par sa grace et misericorde.

Or nous-nous prosternerons devant la face de nostre bon Dieu, etc.

   

Reference

Le Septante et Unieme Sermon, Qui est le III. sur le XIX. Chapitre, Sermons sur le Livre de Job, Seconde Partie, Chapitre XVI à XXXI."